Aimé Césaire, « Cahier d’un retour au pays natal »

Couverture de "Cahier d'un retour au pays natal" d'Aimé Césaire

Quatrième de couverture de l’édition Présence africaine :

« Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l’Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences,

car il n’est point vrai que l’œuvre de l’homme est finie

que nous n’avons rien à faire au monde

que nous parasitons le monde

qu’il suffit que nous nous mettions au pas du monde

mais l’œuvre de l’homme vient seulement de commencer et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur

et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force

et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu’à fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite. »

La réédition du Cahier d’un retour au pays natal, la première œuvre d’Aimé Césaire, saluée depuis l’origine comme le texte fondamental de la génération de la Négritude.

 Mon avis :

 Comme beaucoup de gens sans doute, j’ai découvert ce poème au moment de la mort de Césaire en 2008. Arte avait alors diffusé une lecture du Cahier par l’acteur Jacques Martial, qui s’en acquittait avec beaucoup de talent. Il faut croire que c’était une très bonne introduction au Cahier, puisque cela m’a donné envie de le lire. Il s’agit d’un seul long poème qui alterne la prose et les vers libres (pas de mètre, pas de rimes), où la poésie naît de l’affirmation de la voix du poète et de la langue extraordinairement imagée qu’il élabore.

 J’ai donc entamé le Cahier d’un retour au pays natal un soir, avec l’idée d’en lire simplement les premières pages, mais j’ai été scotché par le souffle puissant du texte. Je crois qu’on rapproche souvent ce poème de l’œuvre de Rimbaud, et la comparaison n’est pas injustifiée : c’est un déploiement d’énergie extraordinaire, avec des images multiples et frappantes, et surtout une voix qui s’affirme et lutte pour ses idées. On est à mille lieues du poète replié dans l’art pour l’art loin de la vie commune : ici, on est de plein pied dans le monde, en plein combat politique.

 Le texte est extraordinairement riche, dans sa syntaxe et son vocabulaire. De nombreux mots m’étaient inconnus, mais je pense qu’il ne faut pas s’en formaliser pour une première lecture : mieux vaut se laisser porter par la voix de Césaire, quitte à revenir ensuite sur le texte pour l’approfondir si l’on veut. J’en suis resté pour le moment à cette première lecture, mais c’est typiquement le genre d’œuvre sur lequel j’aimerais avoir un cours. Je n’en aurai sans doute pas l’occasion, mais apparemment, depuis quelques années, plusieurs commentaires sur l’oeuvre de Césaire ont été publiés, donc il doit être possible de se renseigner plus avant sur le poème sans trop de problème. En attendant, l’édition du poème chez Présence africaine le fait suivre de la préface d’André Breton à l’édition de 1947, qui offre un premier éclairage sur le contexte de la publication du Cahier, dont la première version est parue en 1939.

Je n’ai pas – pour le moment – de longue analyse intelligente à proposer sur ce texte : je connais encore très mal cet auteur et le courant littéraire auquel il se rattache. C’est donc, pour une fois, moins une critique qu’une première impression que je vous donne ici… et (surtout) une invitation à découvrir cette œuvre ! C’est un poème d’une grande force et d’une grande richesse. Je ne sais pas si cette accumulation de puissance, ces images frappantes, ce vocabulaire chamarré peuvent plaire à tous les lecteurs, mais il faut y mettre le nez !

Message posté sur le forum Le Coin des lecteurs le 6 octobre 2011, rebricolé ensuite.

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