Jules Verne, « Mistress Branican »

21 juin 2021

Référence : Jules Verne, Mistress Branican, Paris, Librairie générale française, coll. « Le livre de poche », 2020 (première parution : Paris, Hetzel, 1891, avec des illustrations par Léon Bennett).

Quatrième de couverture de l’éditeur

« San Diego, 1875. Le capitaine John Branican part en campagne à bord du Franklin, laissant derrière lui sa femme Dolly et leur jeune fils, Watt. Les semaines passent et Dolly reste sans nouvelles de son mari. Trois ans et bien des drames plus tard, elle décide de mettre à profit un héritage inattendu en montant une expédition pour sillonner les mers du globe à la recherche de son époux disparu. Sa quête la mènera jusqu’aux confins de l’Australie où, lors d’une périlleuse équipée à dos de chameau, elle devra affronter mille et un dangers avant de découvrir la vérité.

Grand roman d’amour et d’aventure paru en 1891, écrit en hommage à la femme de John Franklin – grand explorateur disparu en 1845 lors d’une expédition à la recherche du passage du Nord-Ouest –, Mistress Branican dresse le flamboyant portrait d’une femme de caractère, prête à affronter toutes les formes d’adversité par amour.

Illustrations de l’édition originale Hetzel »

Mon avis

Une réédition radine

Mistress Branican est parue en 1891. Comme tous les autres romans de Jules Verne, il appartient désormais au domaine public, ce qui signifie que, depuis l’essor d’Internet, on peut en trouver le texte gratuitement et légalement en ligne sur des sites comme le projet Gutenberg et Wikisource. Cela reste beaucoup plus pratique, et beaucoup plus visible pour le grand public, d’en avoir des éditions papier, et c’est donc a priori une bonne chose que le Livre de poche ait choisi de rééditer le roman en 2020. A priori ? Oui, car, comme trop souvent dans ce genre de cas, l’éditeur se contente d’une réédition a minima : le texte, les illustrations d’origine, et c’est tout. Or, comme nous allons le voir, on ne peut plus lire Jules Verne, et en particulier lire Mistress Branican, sans un apparat critique adapté qui replace ce roman dans son contexte. Sans cela, on peut difficilement comprendre ce roman. Mais voilà : c’est seulement du Jules Verne, ce n’est pas comme si c’était un auteur classique… alors, on ne prend pas la peine d’ajouter la moindre introduction. Déception, donc, sur ce plan-là.

Cette radinerie tourne à la négligence quand il s’agit des détails. Parlons-en, des illustrations. D’abord, l’illustrateur n’est pas crédité correctement : le quatrième de couverture se contente paresseusement d’indiquer « illustrations de l’édition originale Hetzel », sans même mentionner le nom de la personne qui les a réalisées, à savoir Léon Bennett, merci pour lui. Son nom apparaît certes sur la page de titre issue de l’édition originale Hetzel et reproduite en tête du livre, mais il est moyennement lisible. Et tout aussi peu lisibles sont les cartes géographiques issues de cette même édition Hetzel, reproduites dans une mauvaise résolution d’image qui rend difficile de déchiffrer les indications de lieux écrites en petit. Un gâchis et une véritable gêne à la lecture pour un roman qui se déroule tout entier dans des parties du monde peu connues par chez nous (l’Océanie et l’Australie), qui nécessitent de réguliers coups d’œil sur une carte.

Dans la série « C’est une vieille édition, donc on n’a pas besoin de créditer les auteurs », le volume se termine par une biographie de Jules Verne en quelques pages qui ne porte aucune signature et dont on ignorera l’auteur. Je vous rassure, ce n’est pas comme si elle avait été écrite pour les besoins de cette édition : à lire certaines allusions chronologiques, j’ai cru deviner qu’il s’agissait de la reproduction d’une notice biographique datant, en gros, du milieu du XXe siècle. Un comble, quand on sait que les études sur Jules Verne et plus généralement sa postérité ont bien avancé en 50 ans.

Finissons-en avec cette édition en évoquant la couverture. C’est la seule nouveauté réalisée pour les besoins de cette réédition, ce qui montre bien les priorités de l’éditeur : une jolie couverture qui attire le chaland, et tant pis si, une fois acheté, le texte est incompréhensible pour le grand public et les illustrations de mauvaise qualité. La couverture en question se veut un souvenir des superbes couvertures des éditions Hetzel qui sont passées à la postérité en même temps que les romans eux-mêmes et que beaucoup de leurs illustrations. Hélas ! l’éditeur aurait mieux fait de conserver ces couvertures telles quelles : en l’état, les différents éléments repris des éditions Hetzel sont simplifiés et géométrisés à outrance, au point qu’on finit par ne plus trop comprendre ce qu’ils font là. Pourquoi ce soleil rouge qui, reproduit de cette couleur, évoque tout au plus le Japon ? Que font là ces soleils noirs dans les coins ? Le lectorat reconnaîtra-t-il les chaînons changés en vagues traits d’union tout autour de la couverture ? Où sont passés l’or, le bleu, la verdure qui ponctuaient si joliment les couvertures Hetzel, et pourquoi les avoir remplacés par ce trio rouge, noir et argenté si froid ? C’est assez navrant de se dire que ce même éditeur qui n’a pas voulu payer un ou une spécialiste de Verne pour écrire une introduction indispensable au volume, a consenti à payer un graphiste pour confectionner un souvenir aussi déformé et appauvri de couvertures qui n’avaient pas pris une ride et qui auraient pu être reproduites gratis.

Bref, voici une réédition papier qui a le mérite d’exister, mais c’est à peu près tout ce qu’elle a pour elle, et c’est une occasion manquée flagrante.

Passons au texte.

Un personnage féminin fort… selon les critères des années 1890

Mistress Branican m’a attiré car c’est à ma connaissance le seul roman de Jules Verne dont le titre mentionne un personnage principal féminin. Une épouse qui part à la recherche de son époux marin disparu, cela a des allures d’Odyssée de Pénélope. En réalité, l’inspiration de Verne est bien plus contemporaine. Le seul élément de contexte présent dans cette édition, sur le quatrième de couverture, porte là-dessus : le personnage de Dolly Branican s’inspire directement de celui de « la femme de John Franklin ». Vous remarquerez que le quatrième de couverture ne pousse pas la précision jusqu’à mentionner le nom de la femme en question. Cette femme, c’est Jane Griffin (1791-1875), seconde épouse de John Franklin (sa première épouse, la poétesse Eleanor Anne Porden, ayant succombé à la tuberculose). Parti explorer l’Arctique en 1845 avec un navire et un matériel ultramoderne pour l’époque, Franklin, n’ayant plus donné signe de vie trois ans après, fait l’objet de plusieurs expéditions de recherche, toutes exigées, encouragées puis directement financées par Jane Griffin. Trois expéditions infructueuses lancées par le gouvernement britannique aboutissent, en 1854, à déclarer Franklin et son équipage morts en service. Cela n’arrête pas Jane Griffin, qui finance personnellement plusieurs autres expéditions, notamment avec l’aide d’une souscription publique. L’une de ces expéditions, lancée en 1857, finit par être couronnée de succès puisqu’elle découvre les restes de l’expédition et fait la lumière sur le sort de John Franklin et de son équipage, mais sans retrouver aucun survivant.

L’inspiration est patente et Verne ne s’en cache pas. Le navire sur lequel embarque l’époux de Dolly Branican s’appelle le Franklin. L’époux de Dolly Branican s’appelle John. La popularité dont jouit Dolly Branican tout au long de ses recherches s’inspire de celle de Jane Franklin, qui parvint à mobiliser l’opinion publique en sa faveur pendant plusieurs années (d’où le succès de sa souscription publique pour financer une quatrième expédition après que le gouvernement britannique y eut renoncé). Et, si l’expédition réelle dont s’inspire Verne n’explorait pas l’Australie, il existe bel et bien un lien entre Jane Griffin et ce pays : la Tasmanie, île située à peu de distance au sud de l’Australie. John Franklin a été gouverneur de cette île en 1836. Jane Griffin, qui s’intéresse beaucoup à cette colonie, est la première femme d’Europe à y effectuer de longs voyages, sur les côtes sud et ouest ; grande voyageuse pour son époque, elle visite également la Nouvelle-Zélande et le Sud de l’Australie, puis jusqu’aux îles Shetland où elle accompagne l’une des expéditions parties en quête de son mari, sans aller toutefois elle-même jusqu’en Arctique.

Le roman de Verne n’a pourtant rien d’un simple décalque de la vie de Jane Griffin. Plusieurs différences en témoigne. Verne transpose le point de départ de l’intrigue sur la côte ouest des États-Unis, à San Diego (peut-être pour raccourcir un peu les trajets des expéditions de recherche). Le Franklin est un navire de commerce et non un navire d’exploration. Quant à Dolly Branican, elle accompagne l’expédition jusqu’au bout et y joue un rôle décisif. On peut donc dire que le personnage de Dolly Branican en fait plutôt davantage que son inspiratrice réelle.

Je vous livre ici une remise en contexte qui m’a furieusement manqué en commençant ma lecture du roman. C’est que, lu avec les critères actuels en matière de rôle des personnages féminins, Mistress Branican démarre de manière assez poussive. Autant la disparition du mari et le destin qui s’acharne contre Dolly Branican donnent lieu à des descriptions vivaces, autant, pendant les chapitres qui suivent, j’ai eu l’impression de piétiner en compagnie d’un fantôme. Le plus frustrant est de voir Dolly Branican tout faire pour mettre sur pied les premières expéditions en quête de son mari, puis… ne pas y prendre part et les regarder partir poliment, pendant que Verne encense l’équipage masculin des navires en question. J’avoue être passé par un moment d’incertitude en me demandant si tout le roman se déroulerait de cette manière, avec une « héroïne » cantonnée au port et qui se contenterait de distribuer gros chèques et voeux pieux à des équipages masculins. Par bonheur, la suite est plus intéressante !

La psychologie de Dolly Branican m’a, elle aussi, réclamé une certaine patience. Ce n’est pas une grande découverte que d’affirmer que la psychologie des personnages n’est pas le point fort de Jules Verne. Ses personnages sont des archétypes (si l’on est gentil) ou des stéréotypes (quand on ne l’est pas). Au mieux, ils rappellent les héros de bande dessinée d’aventure franco-belges à la Tintin, avec des caractères hauts en couleurs marqués par quelques traits à la limite de la caricature. Ce sont des silhouettes, ce qui ne l’est empêche pas d’être parfois inoubliables (le capitaine Nemo en témoigne). Frémissez, internautes : les premiers chapitres de Mistress Branican tentent d’explorer la psychologie féminine. A vrai dire, le résultat n’est pas si catastrophique. Les bases de l’intrigue avant le départ de Dolly Branican à la recherche de son mari réservent quelques rebondissements inattendus et lorgnent parfois curieusement du côté des romans de Jane Austen. Mais il ne faut vraiment pas s’attendre à des prouesses en matière de caractérisation des personnages : le résultat ressemble un peu à ce qu’aurait écrit Jane Austen si elle s’était équipée d’une serpe au lieu d’une plume. Les gentils sont tous beaux, vigoureux et intelligents. Les méchants se détectent à cent kilomètres de distance. Quant à Dolly Branican, elle met un bon moment avant d’être en état de partir à la recherche de son mari, et son sort a éveillé chez moi surprise et impatience, tant elle a l’air inexistante et passive au début du roman. Je veux encourager les gens qui se lanceront dans cette lecture après moi : cela s’améliore au fil des pages.

Reste que Verne aurait sans doute gagné à mieux lire George Sand et les récits d’écrivaines de son époque, car il semble réellement à la peine au moment de mettre en scène un personnage féminin fouillé. Il est bien plus à l’aise dans l’aventure, la vulgarisation et le registre comique ou fantastique que dans la psychologie réaliste, mais cela n’a rien de nouveau.

Un roman colonial

Ce roman est paru en 1891 : on ne doit pas l’oublier en le lisant, car beaucoup de ses facettes s’expliquent par ce contexte. L’intrigue, quant à elle, démarre en 1875 et s’étend sur quatorze ans, soit jusqu’en 1889 – année d’une Exposition universelle qui, à Paris, voit entre autres l’inauguration de la tour Eiffel, histoire de resituer un peu les choses. Mistress Branican, comme tous les Voyages extraordinaires de Jules Verne, s’inscrit dans le contexte de l’expansion des empires coloniaux des principaux pays d’Europe dans toutes les parties du monde. Mais tandis que d’autres romans connus de l’auteur (comme De la Terre à la Lune et Autour de la Lune ou Voyage au centre de la Terre) supportent bien la lecture pour qui ne connaît rien à ce contexte, Mistress Branican a absolument besoin d’y être replacé, car son intrigue en est indissociable.

Le roman relate la disparition d’un navire, le Franklin, et les trois expéditions menées à bien pour découvrir son sort et sauver les éventuels survivants de son équipage. Bien vite, l’intrigue se déplace vers l’Asie du Sud-Est et l’Océanie, puis vers l’Australie où prennent place les événements de toute la seconde partie. C’est ici qu’il faut se souvenir du contexte. Pour nous, au début du XXIe siècle, l’Australie est un pays certes lointain et exotique, mais bien connu au territoire bien maîtrisé, partagé entre une culture occidentalisée héritée de la période coloniale et les cultures aborigènes qui fascinent le monde entier par leurs mythes (au premier rang desquels le fameux Dream Time, le Temps du rêve qui relate les origines du monde) et qui ont connu une lente réhabilitation depuis les préjugés des premiers colons. Au moment où Jules Verne écrit, la situation est toute différente : l’Australie n’est pas encore entièrement connue des explorateurs occidentaux. Sa partie centrale figure encore en blanc sur les cartes. C’est l’un des vestiges des vastes terrae incognitae où les grands voyageurs se sont ingéniés à s’aventurer de plus en plus entre le XVIIe et le XIXe siècle. Pour le public de Jules Verne en 1891, c’est donc une destination inconnue, aussi périlleuse par endroits que les pôles ou que les profondeurs des océans.

Que connaît-on exactement de l’Australie et des Australiens à l’époque ? Jules Verne nous le dit, à grands renforts de documentation précise, comme à son habitude. Il cite les noms des principaux voyageurs, souvent anglais ou américains, qui ont cartographié la région. Il s’appuie ouvertement sur leurs écrits pour imaginer le voyage de Dolly Branican. Une introduction ou des notes auraient permis de mettre en valeur ce travail de documentation et, au passage, de vulgarisation de connaissances toutes récentes à l’époque de Verne, en montrant comme l’écrivain utilise ces sources documentaires pour imaginer son intrigue.

Mais là où une remise en contexte fait cruellement défaut, c’est dans le portrait que fait Verne des aborigènes locaux, et des peuples non occidentaux de manière générale. Mistress Branican s’appuie sur les conceptions racistes des savants européens de son époque, présente les aborigènes australiens et plusieurs autres peuplades du Pacifique comme des sauvages cannibales ne méritant qu’à peine le nom d’humains, et fait l’éloge des bienfaits de la colonisation présentée comme civilisatrice. L’antisémitisme, rare, apparaît au détour d’une phrase. Tout cela a très mal vieilli et suffisait à rendre indispensable une remise en contexte qui n’est pas faite du tout. Pourquoi Verne relaie-t-il de telles conceptions ? Sont-ce ses convictions personnelles ou ce qu’il trouve dans ses sources ? Dans quelle mesure est-il dans la moyenne, en retard ou en avance par rapport aux autres écrivains de son temps ? Ses idées se modifient-elles au fil de ses romans (sachant que Mistress Branican est un roman « de la maturité », les premières publications de Verne remontant aux années 1860) ? Une bonne édition de Mistress Branican se doit de fournir quelques réponses à ces questions, légitimes de la part du lectorat actuel.

Certaines réponses à ces questions sont évidentes pour le public actuel, mais d’autres sont beaucoup plus ardues à trouver. Par exemple, que penser de la présentation des aborigènes d’Australie comme pratiquant un cannibalisme généralisé ? Que croire, aussi, au sujet des autres coutumes évoquées et des mots de vocabulaire précis que Verne présente comme issus de la langue indigène, et qu’il a vraisemblablement puisés dans les récits de voyages de son époque ? Comment les connaissances sur les aborigènes et sur l’Australie ont-elles progressé depuis ce temps, et qu’ont-elles permis de mieux comprendre sur ces sujets ? Ce ne sont pas des informations si simples à trouver, même de nos jours, et c’est là qu’une fois de plus, cette édition m’a paru négligente, car on ne peut pas réellement comprendre le roman sans ces informations.

Cette remise en contexte incontournable aurait aussi le mérite de montrer la place que tenait Verne dans les débats de son temps sur tous ces sujets. Certaines phrases, de sa part, apparaissent comme engagées, dans un sens ou dans l’autre. Elles sont parfois surprenantes pour un regard actuel. Ainsi, Verne mentionne les massacres d’aborigènes perpétrés par les colons britanniques et semble les condamner, mais, plus loin, il paraît penser comme acquise et inéluctable la disparition de ces peuplades au profit des colons occidentaux. Il reproche aux Britanniques ces massacres, mais avec une ironie où j’ai cru reconnaître l’humour noir pacifiste qui transparaît ailleurs dans des romans comme De la Terre à la Lune : il indique en effet que les Britanniques auront le plus grand mal à présenter des spécimens d’Australiens à la prochaine Exposition universelle s’ils les ont tous tués d’ici là… A la décharge de Verne, on remarquera également qu’en dépit des fréquentes mentions du cannibalisme comme danger redoutable en Australie, cette pratique n’est jamais explicitement mise en scène dans les péripéties des personnages principaux et l’unique personnage d’aborigène un peu développé se comporte davantage comme un genre de négociant retors.

Aventure, feuilleton et personnages secondaires : le plaisir des détails

Mistress Branican est un roman d’aventure. Que vaut-il en tant que tel ? De manière générale, il prend beaucoup de temps à se mettre en place, mais monte en puissance peu à peu. Le récit de la première expédition pour retrouver John Branican s’avère aussi passionnant que de suivre un doigt sur un atlas accompagné d’une voix monocorde. Il faut dire que l’enjeu narratif est délicat : d’un côté, Verne veut augmenter les enjeux dramatiques en montrant que le navire reste introuvable en dépit des meilleurs efforts pour le retrouver ; de l’autre, comme on en est encore au début du roman, il ne faut pas beaucoup de jugeote, à la lecture, pour se douter que ces premières tentatives resteront infructueuses. Comme je l’ai dit, j’étais également impatient de voir la mistress Branican du titre entrer réellement en scène, ce qui finit par arriver, à mon grand soulagement.

Le rythme du roman dans son ensemble s’améliore nettement dans la seconde partie, où Verne, après avoir passé un temps infini à mettre en place diverses ficelles, les entrecroise avec toute l’adresse d’un romancier et d’un feuilletoniste. Plusieurs rebondissements bienvenus relèvent l’intrigue principale, en particulier l’histoire de la famille Branican. Je ne peux pas non plus ne pas mentionner deux personnages secondaires hilarants, à savoir l’explorateur britannique Jos Meritt et son domestique chinois Ghîn-Ghi. Ces deux-là forment une paire maître-valet comme Verne en a inventé de nombreuses dans ses romans, avec un maître excentrique et un valet terre à terre qui rappellent beaucoup Don Quichotte et Sancho Pansa, les stéréotypes nationaux en plus. Verne adore les stéréotypes nationaux, aussi bien à propos des pays d’Europe que du reste du monde. Tous les Américains ont un esprit d’entreprise et une vigueur admirables, tous les Anglais sont flegmatiques, etc. Jos Meritt, lui, est le type de l’Anglais excentrique, puisqu’il parcourt le monde entier en quête d’un chapeau, tandis que Ghîn-Ghi pourrait figurer dans les Tribulations d’un Chinois en Chine. Les dialogues entre ces deux personnages et leur rôle dans l’expédition sont parmi les moments les plus drôles d’un roman par ailleurs très (trop ?) sérieux. Et la double page que Verne consacre à la collection de chapeaux historiques de Jos Meritt est un morceau d’anthologie. Le théâtre comique, pratiqué par Verne à ses débuts, n’est pas loin.

Conclusion

Mal édité, souffrant furieusement de l’absence d’une introduction récente faite par un ou une spécialiste de Verne, cette édition de Mistress Branican n’est pas au grand honneur du Livre de poche. Et c’est très dommage, car elle empêche de profiter pleinement d’un roman qui, sans compter parmi les chefs-d’œuvre de l’écrivain, ménage de belles pages d’aventure et forme par ailleurs un témoignage important sur l’exploration et la colonisation de l’Océanie et de l’Australie vers la fin du XIXe siècle. Si vous avez peu lu Verne, je vous conseille de commencer par des titres plus connus et moins vieillis, comme Voyage au centre de la Terre (qui est mon petit chouchou). Si vous avez déjà beaucoup lu Verne, je vous recommande de vous procurer un ouvrage ou quelques articles bien conçus sur la vie et l’œuvre de cet écrivain avant de vous lancer dans Mistress Branican si vous voulez réellement en profiter. Et si vous cherchez des fictions mettant en scène des personnages féminins forts, ma foi, mieux vaut aller voir du côté de Jane Austen ou de George Sand (pour les romans réalistes et psychologiques) ou du côté de jeux vidéo comme Syberia du regretté Benoît Sokal (pour les héroïnes d’aventure)…


Madeleine de Scudéry, « Clélie, histoire romaine »

7 juin 2021

Référence : Madeleine de Scudéry, Clélie, histoire romaine, édition et choix de Delphine Denis, Paris, Gallimard, collection « Folio classique », 2006 (première parution : 1654-1660).

Quatrième de couverture de l’éditeur

« Nous n’avons pas encore tout à fait oublié la Carte de Tendre. Qui se souvient pourtant que le dessin en fut imaginé pour un de ces longs romans goûtés des lecteurs d’autrefois ? Publié de 1654 à 1660, Clélie fut un véritable succès de librairie : l’œuvre achevait l’âge d’or du roman héroïque, tout en explorant les possibilités inédites qui s’offraient à la fiction moderne. Aux premiers temps de la République romaine, cadre du récit, se superpose ainsi une autre peinture d’égale ambition – celle de l’histoire et de la société contemporaines, associée à une subtile «anatomie des cœurs».


La séduction du texte n’a pas faibli. Amours et aventures sont le support vivant et coloré d’une interrogation sur la «morale du monde» et ses formes d’expression, sensible à la nécessité de ménager aux femmes de valeur la place glorieuse qui leur est due. C’est à l’idéal de la conversation galante, recrutant hommes et femmes sur le seul mérite de l’esprit, que fut confié, non sans quelque clairvoyante inquiétude, ce projet résolument moderne : l’élégante discrétion de l’écriture en fait aussi tout le prix. »

Mon avis

Horreur, atrocité, damnation ! « Folio classique » publierait des versions abrégées, maintenant ? Cela paraîtra plus compréhensible en rappelant que le texte intégral de Clélie, histoire romaine compte dix volumes in octavo (moyen format, pour aller vite) et découragerait sans doute une bonne part du lectorat actuel, hors spécialistes de la littérature de cette époque. Voici donc un « choix » d’extraits, reliés par des résumés qui montrent sans peine que la complexité de l’intrigue prise dans son ensemble n’a rien à envier aux plus touffus des cycles romanesques récents.

Cela fait quelques années que j’ai entrepris de compléter mes classiques en lisant les écrivaines dont on ne m’a rien fait lire (ou trop peu) pendant mes études, et en grattant pour découvrir quelques petites merveilles injustement oubliées de la postérité ou trop peu représentées dans les manuels scolaires ou les médias. Parmi ces écrivaines, Madeleine de Scudéry et ses romans à rallonge, typiques de l’âge d’or des romans-fleuves (le plus connu du genre étant L’Astrée d’Honoré d’Urfé, paru quelques décennies avant Clélie). Disons-le tout de suite : autant il y a des classiques que j’insiste à présenter comme finalement pas si inaccessibles, même si vous n’êtes pas spécialiste ou particulièrement « littéraire », autant lire Clélie en entier – je veux dire, lire en entier ce volume de choix d’extraits de Clélie – s’avérera une expérience déroutante pour bien des gens, pour plusieurs raisons dont je parlerai plus bas. Mais quand bien même on se contenterait d’en lire quelques extraits parmi ceux proposés, Clélie a de belles pages à offrir. Voyons un peu.

L’histoire en deux mots : le récit se déroule dans la Rome antique, aux tout débuts de la puissance romaine, au temps où Rome n’est encore qu’une ville parmi d’autres en Italie et lutte pour subsister et s’imposer parmi les multiples peuplades plus anciennes bien installées dans le Latium. La belle et vertueuse Clélie et le vaillant Aronce s’aiment ardemment et sont sur le point de se marier, mais bien des obstacles vont se dresser sur leur chemin avant qu’ils ne soient enfin réunis. C’est que la beauté et la vertu de Clélie attisent bien des désirs, y compris au sein de la famille du roi de Rome, le tyrannique Tarquin le Superbe…

Une aventure antique

Clélie, histoire romaine est donc un roman à décor antique alternant aventure, complots politiques et une grande intrigue amoureuse échevelée. Présenté comme cela, on peut s’attendre à quelque chose d’épique et d’assez kitsch, un peu comme un vieux péplum américain ou italien, ou comme un film de fantasy tourné à Bollywood. Cela donne une assez bonne idée de certaines pages, dont se dégage un charme d’aventure surannée. Il faut dire que, si une maxime prêtée à je ne sais plus quel scénariste américain réclame « une intrigue qui commence par un tremblement de terre avant de progresser jusqu’à un climax », alors Clélie respecte à la lettre cette recette scénaristique, puisqu’il commence bel et bien par un séisme, la veille du mariage des personnages principaux ! On trouvera en outre plusieurs scènes de combats, de cavalcades, d’enlèvements, de fuites et de poursuites variées.

Pour compléter cette facette du roman, il faut évoquer son décor : la Rome des derniers rois et des premières années de la République, une Rome encore à taille humaine, mais présentée dans la lignée des écrits de l’historien romain Tite-Live, c’est-à-dire peuplée de mâles guerriers tout amidonnés dans leur sens du devoir et de femmes douces, chastes et résolues. Si vous ne connaissez encore rien aux premiers temps de l’histoire de Rome, vous profiterez de la découverte d’une période riche en rebondissements, mais vous devrez parfois vous aider des notes de fin de volume pour comprendre qui est qui. En revanche, si vous avez un peu étudié (ou lu des livres sur) cette période, par exemple en lisant le livre I de l’Histoire romaine de Tite-Live (qui relate les débuts de Rome, depuis ses ancêtres mythologiques jusqu’aux premiers temps de la République), vous reconnaîtrez sans peine de grandes figures comme Tarquin le Superbe, Lucrèce, Collatinus, Brutus, Mucius Scaevola et d’autres, sans oublier Clélie elle-même, qui n’est pas une invention de l’écrivaine. Dans ce cas, vous démêlerez sans mal les fils de la grande Histoire de ceux de la petite ; tout le roman vous fera l’effet d’une sorte de fan fiction géante écrite par une passionnée de Rome antique, qui se serait amusée à ajouter des personnages inspirés par son entourage dans les marges des légendes romaines, et à entremêler leurs aventures avec les exploits des héros évoqués par Tite-Live.

Dans les deux cas, on ne peut qu’être surpris par l’abondance des sous-intrigues et le nombre des personnages secondaires, qui éclipsent parfois les rôles principaux pendant des dizaines de pages. Bien que Clélie et Aronce demeurent dépositaires des plus grandes qualités en matière de beauté, de vertu, de vaillance, etc., ils sont loin de monopoliser l’attention de l’écrivaine, qui déploie tout un microcosme au fil des livres.

Qu’on n’attende pas un roman historique au sens qu’on donne aujourd’hui à cette expression. L’Antiquité romaine de Clélie apparaît comme un décor de carton-pâte doublé d’un anachronisme complet en matière de représentation des relations sociales : la Rome antique n’y est guère qu’un cadre-photo, ou un décor de jeu de rôle, où Madeleine de Scudéry se complaît à insérer les têtes de ses amies et de ses connaissances sur la silhouette de telle ou telle figure légendaire. Cela m’a beaucoup rappelé les peintures de la même époque, où l’on voit un Romulus en armure du Siècle d’or espagnol en train de donner le signal de l’enlèvement de Sabines habillées comme des dames catholiques de la noblesse ou de la bourgeoisie avec robes couvrantes, dentelles, résilles sur les cheveux et chapelets à la main. Il m’est arrivé de pester devant l’artificialité patente de cet univers où nos héros n’ont rien d’autre à faire que se complimenter et se séduire, et où il n’y a pas plus de pauvres qu’à Duloc, « monde parfait », dans le film d’animation Shrek...

Conversations mondaines et psychologie

Clélie a pourtant bien d’autres facettes. Celle qui saute aux yeux, renforcée par le choix des extraits, est la présence de conversations autour de sujets comme la l’amour et l’amitié, ainsi que de notions telles que la constance, les personnalités typiques des femmes ou des hommes, ou encore la gloire (mot en partie trompeur, puisqu’il ne désigne à l’époque pas seulement la célébrité, mais aussi ce qu’on appellerait maintenant l’amour-propre). Ces conversations oscillent entre le dialogue philosophique et la conversation mondaine. C’est d’une de ces scènes que provient la « Carte de Tendre », restée célèbre pour avoir transposé, sous la forme d’une carte géographique d’un pays imaginaire, les différentes étapes psychologiques possibles d’une relation, depuis la vague estime jusqu’à la tendresse en passant par « négligence », « légèreté », « billets galants », « jolis vers », « respect », « bonté », « assiduité » ou « empressement », et en tâchant d’éviter aussi bien la « perfidie » ou la « négligence » et le « lac d’indifférence », que, de l’autre côté, la « mer dangereuse » qui, au-delà de la tendresse, risque de mener aux « terres inconnues »…

Reproduite en insert au début du livre, cette carte en représente l’une des plus jolies inventions. Encore ne faut-il pas attendre un trop long développement à son sujet, ni un univers imaginaire poussé autour de cette carte : elle n’a droit, somme toute, qu’à un passage sommaire. La mode des univers imaginaires détaillés, fussent-ils allégoriques, n’était pas encore venue, et l’écrivaine paraît prendre grand soin de présenter cette création comme dépourvue de tout sérieux ou de toute prétention. Dommage, car j’aurais été curieux de lire un récit entièrement situé dans un univers pareil, où chaque lieu et chaque personnage aurait été l’incarnation d’un sentiment ou d’un type de comportement (cela aurait probablement donné quelque chose comme la première moitié du Roman de la Rose médiéval, ou bien comme le Pilgrim’s Progress anglais transposé dans le domaine amoureux).

Ces conversations tranchent net avec les passages de l’intrigue davantage tournés vers l’aventure, à un tel point que, même aujourd’hui où les cycles romanesques à rallonge (et les œuvres à rallonge en général) sont à la mode, on aurait du mal à admettre des interruptions si longues doublées de changements de tons si complets. À vous de vous faire un avis : on s’en étonne moins, et on en est peut-être moins gêné, une fois qu’on en est prévenu à l’avance. En dépit des obstacles représentés par l’écart entre les goûts du XVIIe siècle et ceux du début du XXIe, ces conversations ne supportent pas si mal la lecture de nos jours : à défaut de fournir des conseils de vie applicables aujourd’hui ou de permettre de s’identifier pleinement aux personnages dans leurs témoignages ou leurs idées, elles peuvent toujours servir de supports de réflexion et fournir un peu de matière à penser sur des sujets de psychologie et de relations amoureuses.

Un roman dont nous avons perdu les clés

Un dernier aspect du roman me semble, de très loin, le plus inaccessible au lectorat actuel à moins d’être spécialiste du XVIIe siècle : Clélie, à l’époque de sa parution, relevait en partie du « roman à clés », où chaque personnage fictif constituait un équivalent de, ou du moins une allusion probable à, telle ou telle personne réelle de l’entourage de Madeleine de Scudéry (qui tenait un salon littéraire) ou de la cour royale de son temps. J’avoue volontiers que cet aspect m’indiffère, en dépit des analyses habiles proposées dans l’introduction, qui montrent l’intérêt de ce pan de l’esthétique du roman. Aussi bien invitent-elles du même élan à ne pas y réduire tout le roman, mais j’espère avoir déjà montré qu’on peut le lire pour ses autres facettes.

Osez le beau style

Qu’en est-il du style ? Pas de doute, il faut aimer les phrases longues, la syntaxe élégante pétrie de latin et les imparfaits du subjonctif. Ce n’est pas le genre de chose qui me fait peur ; si c’est votre cas, sachez que plus on en lit, plus on s’y habitue, tout comme on ne risque pas d’apprendre à nager si l’on ne se met jamais à l’eau. Le monde actuel et l’Internet regorgent d’outils, dictionnaires en ligne, conjugueurs automatiques, etc. pour qui veut réviser sa grammaire et sa conjugaison, combler ses lacunes ou dissiper de vieilles appréhensions. Je regrette un peu, malgré tout, que l’édition Folio ne fasse pas davantage d’efforts pour se rendre accessible à un public réellement large. Delphine Denis prend soin, dans ses notes, d’analyser les particularités lexicales de la langue de Madeleine de Scudéry, mais, sur le plan de la syntaxe (la construction des phrases), elle se contente du minimum, alors que l’ancienneté du texte rendrait nécessaire un apparat un peu plus complet, quitte à ce qu’il ait l’air un peu scolaire, afin de s’assurer que tout le monde puisse entrer dans le texte. Les collections parascolaires conçues pour les collégiens et les lycéens accomplissent de ce point de vue un travail plus poussé, mais n’ont pas encore cru bon de rééditer Clélie (qui sait ? Un jour, peut-être, au moins dans un groupement de textes…).

L’introduction

J’ai gardé pour la fin la lecture de l’introduction de Delphine Denis, afin de découvrir l’intrigue sans me la faire divulgâcher (travers fâcheux de beaucoup de ces introductions dès lors qu’on a envie de se préserver une certaine naïveté en abordant un livre ; mais ce n’est pas bien méchant). Très riche en informations sur le contexte du roman et ses différents niveaux de lecture, elle est d’une grande aide à sa compréhension. Dommage qu’elle semble avoir été écrite à l’attention d’un public au moins étudiant, plutôt que d’un public vraiment large. Certes, Clélie n’est pas vraiment le classique le plus lu dans le pays, et risque de ne plus l’être avant un bon bout de temps (d’ici un avenir possible, dont j’ignore s’il est proche ou lointain, où la littérature du XVIIe siècle autre que le Saint-Quatuor Molière-La Fontaine-Corneille-Racine aurait fait un retour en force dans notre culture générale). Une chose qui manque aussi à cette introduction, mais qui relève du détail, ce serait de montrer les liens possibles entre le roman héroïque du XVIIe siècle et le roman antique, qu’il soit grec (Chéréas et Callirhoé, Leucippé et Clitophon, Héro et Léandre) ou latin (Daphnis et Chloé, pour ne citer que le plus connu). J’aurais été curieux de savoir dans quelle mesure Madeleine de Scudéry a pu puiser son inspiration non pas simplement chez les historiens romains comme Tite-Live (là, ça crève les yeux de toute façon), mais aussi dans ces romans antiques qui, bien que tombés dans l’oubli aujourd’hui à de rares exceptions près (le Satyricon, merci Fellini), ont inventé la plupart des clichés actuels en matière d’intrigues romanesques amoureuses.

Conclusion

Curieuse lecture, donc, que Clélie, et pas la plus intemporelle des œuvres classiques du XVIIe siècle. Mais, comme le dit justement Delphine Denis, ce roman mérite d’être arraché à l’image déformée qu’en ont donnée les détracteurs de Madeleine de Scudéry et des autres écrivaines de son temps, qualifiées de « précieuses » et de « femmes savantes » (entre autres par Molière) alors qu’elles ne faisaient que tenter d’accéder à un savoir monopolisé par les hommes. Clélie elle-même est ce qu’on pouvait faire de plus proche d’un « personnage féminin fort » dans le XVIIe siècle mondain, c’est-à-dire qu’elle ne se laisse pas enlever (autrement dit, elle ne se laisse pas violer). Voilà un aspect du roman qui n’a, hélas, pas vieilli. La scène relatant l’exploit le plus connu de Clélie pourra naturellement frustrer les gens qui se seraient attendu à une guerrière féroce, mais reste un morceau d’aventure trépidant qui peut toujours inspirer les artistes actuels.

En dépit de son caractère inévitablement daté, Clélie contient donc de belles pages et de belles scènes. Les plus braves tenteront la traversée complète ; les autres, pour ne pas passer à côté de l’ensemble, ne doivent pas hésiter à picorer ce qui leur plaira. Artamène ou le Grand Cyrus, autre roman de Madeleine de Scudéry, détient aujourd’hui encore le record du plus long roman en langue française (avec 2,1 millions de mots). À l’occasion de sa réédition complète en ligne, les universitaires chargés du projet ont tenu à rappeler, sur la page d’accueil, qu’il était courant à l’époque de lire ou de relire par scènes ou par extraits, et de discuter avec des amis tel ou tel passage (de vive voix ou par lettres : de nos jours, on passerait par des forums, des réseaux sociaux, des sites agrégateurs de critiques, des blogs ou des podcasts). Et après tout, pourquoi pas ? L’essentiel n’est-il pas de garder contact avec cette littérature passée, dont les différences ne constituent pas seulement des obstacles, mais aussi des richesses et des sujets de découverte et d’inspirations possibles ? Je serais assez curieux de voir une adaptation un peu libre de Clélie transposée sur un autre support (bande dessinée, cinéma, téléfilm) et éventuellement à une autre époque ou dans un autre type d’univers (contemporain, comme Christophe Honoré l’a fait avec La Princesse de Clèves dans son film La Belle Personne en 2008 ? Ou un univers de fantasy ? Mais dans ce dernier cas, ne risque-t-on pas d’obtenir quelque chose d’assez proche de certains cycles de romance fantasy récents ?).